Loi santé au travail : enjeux et leviers pour le CSE et les OS

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Eléments de contexte :

La loi santé au travail du 2 août 2021 est la transposition de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 10 décembre 2020 « pour une prévention renforcée et une offre renouvelée en matière de santé et conditions de travail », il s’agit d’une première.
Rappelons que l’accord ANI s’inscrit dans le prolongement du projet de réforme de la santé au travail formalisé dans le rapport Lecoq de 2018. L’ANI a déterminé 7 objectifs prioritaires que l’on retrouve dans le texte de loi :

  1. Renforcer la prévention primaire au sein des entreprises
  2. Définir l’offre de services à fournir aux entreprises et aux salariés
  3. Développer l’accompagnement par les branches professionnelles
  4. Mieux accompagner certains publics notamment vulnérables et lutter contre la désinsertion professionnelle
  5. Améliorer la qualité de vie au travail par l’extension de la négociation annuelle Égalité professionnelle et QVT à la qualité des conditions de travail qui devient la négociation « Égalité professionnelle et qualité de vie et des conditions de travail »
  6. Réorganiser la gouvernance et le financement de la santé au travail.

La loi santé au travail est applicable au 31 mars 2022 pour toutes les entreprises et depuis décembre 2021 pour les entreprises dont les employeurs sont adhérents à des organisations patronales signataires de l’ANI. En ce sens, certaines dispositions de la loi peuvent être appliquées sans attendre les décrets à paraitre d’ici mars prochain car les dispositions de la loi retranscrivent à l’identique celles de l’ANI.
Quels sont les enjeux et les leviers pour les représentants du personnel et les organisations syndicales ?

1er enjeu : l’harmonisation des prérogatives du CSE en matière de contribution à la démarche d’évaluation des risques professionnels

L’employeur est toujours tenu d’évaluer les risques professionnels et d’établir le DUERP mais la loi introduit une disposition qui l’oblige à associer les représentants du personnel à la démarche.
En effet, le CSE et sa CSSCT apportent leur contribution à l’évaluation des risques professionnels auxquels peuvent être exposés les travailleurs, notamment les femmes enceintes, ainsi que des effets de l’exposition aux facteurs de risques professionnels.
Une nouvelle disposition dans la loi prévoit que le DUERP doit assurer la traçabilité collective des expositions aux risques : le DUERP et ses versions successives doivent être conservés durant au moins 40 ans et mis à dispositions des travailleurs et anciens travailleurs ainsi que toute instance ou personne pouvant justifier un intérêt d’y avoir accès. Le télétravail et l’impact des changements organisationnels dans l’entreprise seront pris en compte dans l’évaluation et la prévention des risques professionnels.
La démarche d’évaluation des risques devra également s’articuler avec la définition du PAPRIPACT

  •  dans les entreprises de 50 salariés et plus le PAPRIPACT devra préciser les indicateurs de résultats, l’identification des ressources de l’entreprise pouvant être mobilisées et un calendrier de mise en œuvre ;
  • dans les entreprises de moins de 50 salariés il est mis fin à l’obligation d’élaborer le PAPRIPACT mais le DUERP devra consigner la liste des actions de prévention.

Le comité social et économique est consulté sur le document unique d’évaluation des risques professionnels et sur ses mises à jour.
Il s’agit d’une consultation qui ne donne pas droit à expertise en en tant que telle sauf si l’employeur permet à cette occasion un accompagnement de l’expert SSCT. Dans le cas contraire, quels sont les leviers pour le CSE pour se faire accompagner ?

  • Lors de la mise à jour du DUERP, le CSE peut demander à insérer cette consultation annuelle à celle qui porte sur la politique sociale, l’emploi et les conditions de travail lors de laquelle l’employeur doit remettre le bilan annuel SSCT et le PAPRIPACT. Le regroupement de ces consultations prend tout son sens dans une perspective de renforcement de la prévention primaire. D’autant plus que dans le cadre de cette consultation annuelle obligatoire le CSE peut désigner un expert pour l’assister, expertise financée à 100% par l’employeur. DEGEST peut vous conseiller dans le cadre d’une telle stratégie.
  • Si la mise à jour du DUERP s’inscrit dans le cadre d’un projet important modifiant les conditions de travail, la consultation peut être regroupée avec celle portant sur le projet lui-même et qui donne la possibilité au CSE d’être assisté par un expert habilité.

 

2ème enjeu : une clarification de la formation SSCT

Les ordonnances ayant institué le CSE au sein des entreprises manquaient de clarté en ce qui concerne la formation SSCT des représentants du personnel. La loi santé au travail, sur la base de l’ANI, est venue dissiper ces ambiguïtés.
A compter du 31 mars 2022, tous les membres de la délégation du personnel au CSE bénéficient d’une formation d’au moins 5 jours et en cas de renouvellement de mandat, tous les élus ont droit à au moins 3 jours de formation, et à au moins 5 jours pour les membres de la commission SSCT dans les entreprises d’au moins 300 salariés.
L’employeur prend en charge l’intégralité du financement de la formation SSCT. Cependant, pour les entreprises de moins de 50 salariés, la formation SSCT des élus au CSE pourra être prise en charge par l’opérateur de compétence (Opco) selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État.

3ème enjeu : l’extension de la négociation Égalité professionnelle et QVT à la Qualité des conditions de travail

La loi santé au travail élargit la négociation Égalité professionnelle (à noter que la loi travail aligne la définition du harcèlement sexuel dans le code du travail et dans le code pénal) et QVT qui pourra porter sur la qualité des conditions de travail notamment sur la santé, la sécurité au travail et la prévention des risques professionnels.
Pour les aider dans cette négociation, les partenaires sociaux pourront recourir aux « acteurs régionaux et locaux des risques professionnels ».
Le nom de cette négociation annuelle devient désormais « Négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie et des conditions de travail ».
Le CSE a la possibilité de désigner un expert habilité pour assister les organisations syndicales lors de cette négociation mais uniquement sur le volet « égalité professionnelle ». Cette expertise est cofinancée à hauteur de 20% par le CSE mais est prise ne charge à 100% par l’employeur si aucun indicateur relatif à l’égalité professionnelle n’est renseigné à la BDESE.
Le CSE a tout intérêt à élargir la mission de l’expert habilité à la négociation sur la qualité des conditions de travail.

Pour conclure :

Si la loi travail apporte quelques éléments nouveaux pour les CSE et les OS, les avancées restent timides : la prévention est réaffirmée mais le DUERP permet-il de prévenir les problèmes de santé à leur source en agissant au niveau des organisations ? Par ailleurs, les mesures identifiées risquent de se heurter à la réalité du fonctionnement du CSE et des OS qui s’est complexifié (cf . Article Santé au travail), les rendant formelles et peu opérantes.
Un autre pan de la loi travail concerne le suivi individuel de la santé au travail des travailleurs, qui n’a pas été abordé ici : le problème de manque de moyens des services de santé est contourné en renforçant la dématérialisation du lien avec les travailleurs alors même que la problématique du suivi des nouvelles formes de travail n’est pas véritablement traitée (sous-traitance, free-lance, etc.).

DEGEST

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